Si l'on parle de ville lumière, on pense évidemment à Paris; "La Ville Lumière"; Gilbert et Camille vont tous deux l'illustrer par leurs présentes reliures. Mais il est d'autres "Villes lumière", plus discrètes, plus secrètes, en France ou dans d'autres pays. Ainsi ce livre que nous proposera Edmond nous amènera vers quatre villes lumière moins connues; les villes impériales du Maroc.
Allons y ! Que la lumière soit !
Paris (Ed. des horizons de France), relié par Gilbert.
Ce livre sur Paris est un des volumes de la collection "Les provinciales", éditée par "Horizons de France" dans l'immédiat après-guerre. La collection comporte 30 volumes titrés chacune d''un nom des anciennes provinces de France: "Guyenne", Bourgogne", Franche-Comté"..., sauf Paris qui est à part.
Le volume "Paris" comporte 3 sous-titres qui font appel à 3 auteurs différents: "Paris dans l'histoire" (J. de la Monneraye), La vie intellectuelle et littéraire à Paris (A. Dupouy), L'art à Paris (R-A Weigert).Il serait superflu de vouloir résumer ce livre; l'histoire de Paris, c'est l'Histoire de France, la vie intellectuelle, l'art à Paris sont ceux de la France. Chaque thème y est extrêmement fouillé, riche de références, de faits majeurs ou mineurs...présentés avec la plus grande objectivité. A peine voit-on poindre quelques opinions personnelles: déception chez J. de la Monneraye sur les réalisations du XXème "...de nombreux édifices ont été bâtis. Mais aucun grand dessein", ou désillusion chez R-A Weigert, "Mêlant les talents exceptionnels et les médiocres, faussée par les jugements sans appel relevant de théories défendables, comme de rivalités de chapelles... la peinture, principalement après la guerre de 1914-918, allait dégénérer en une furieuse mêlée". On ne saurait être plus percutant.
Gilbert illustre brillamment cet ouvrage grâce à une combinaison de techniques non traditionnelles.
Outre l'usage d'un matériau synthétique inhabituel imitant un cuir lisse, Gilbert a recours au découpage Laser pour composer à la fois le titre "Paris" et les logements du titre, pratique qui autorise une précision de coupe absolue.
Plus intéressant encore est cette technique qui lui est propre pour la création des lettres dorées, à l'aide de film or classique (oeser). Chaque lettre étant "habillée" de ce film collé sous presse avec émalène, la surface est ensuite débarrassée, par un pelage minutieux, du film plastique qui protège la couche d'or. Au niveau du résultat, l'effet de dorure est saisissant.
Il faut saluer ces initiatives multiples dont Gilbert est coutumier, qui font de la reliure un art vivant et créatif.
Notre très vieux Paris, d'Henri Ramin (1927), relié par Camille
Ici, c'est le Paris du Moyen-âge qui nous est offert dans ses moindres détails. Toutes les facettes de la vie à cette époque sont détaillées, avec force expressions, termes, dictons et proverbes de ce temps.
Ainsi visitera t-on les rues "du puits certain", "des marmousets", "des trois canettes"...jusqu'à s'aventurer dans les sordides ruelles "du tire-chasse", dite aussi "du guiche-oreilles", où l'on vous débarrassera de certains ornements, ou celle "du maudétour", qui risquera bien de justifier son nom...Entre mille anecdotes, on y apprend que le barbier n'avait pas le droit de panser un blessé devant sa porte avant d'en avoir référé à la justice...(pauvre blessé !), que les bourgeois étaient plus propres qu'on ne croit, puisqu'après le lever ils allaient aux bains...sauf les dimanches et fêtes, où c'était interdit,... enfin un monde grouillant, débraillé, criard, et pourtant corseté par tout un florilège de règles, interdictions, obligations, édictées par les incontournables corporations, la religion et les pesantes coutumes.
Pour illustrer ce volume, Camille base son illustration sur un dessin (approximatif) de la rosace Sud de la cathédrale Notre-Dame.
Ici, la technique de découpe par Laser montre clairement sa puissance. Le dessin des ferrures est généré à partir d'une seule demi-branche, symétrisée puis reproduite 12 fois par rotations successives. La découpe est faite automatiquement à partir du dessin. On notera que les ferrures les plus minces, découpées dans un cuir noir, sont larges d'1/2 mm à peine.
L'image de fond sous les ferrures est en fait une copie faite à partir d'une peinture réalisée par Camille à l'acrylique, en fait une anamorphose inspirée de 2 gravures classiques du moyen-âge, représentant Le Pont Neuf et Le Louvre.
Pour protéger cet ouvrage, Camille confectionne un étui simple de sa conception, qui par sa forme de parallélépipède tronqué permet de saisir facilement l'ouvrage dans une bibliothèque.
Maroc, d'Henri Terrasse, relié par Edmond
Cet ouvrage titré "Maroc" comporte un sous titre "Les villes impériales", les villes lumière du Maroc en quelque sorte, quoique plus discrètes que la précédente. Les villes concernées sont Fès, Marrakech, Rabat et Meknès.
Ces 4 villes portent chacune à sa façon un peu de l'histoire du pays. Toutes quatre seront secouées à des degrés divers par les grands mouvements de l'histoire arabe; après le défilé des dynasties arabe "Abbassides" (Bagdad), berbères avec les "Almoravides", les "Almohades", que suivront les sultanats issus de l'Espagne andalouse, les "Mérinides", puis après la Reconquista, les Morisques expulsés d'Espagne (musulmans convertis au christianisme); tous laisseront leur trace quelque part dans ces villes.Fès est celle des quatre qui recueillera le meilleur témoignage de l'art andalou. Marrakech, plutôt marchande et industrielle, se caractérisera par son artisanat florissant. Meknès restera la ville de l'Andalousie tardive tandis que Rabat deviendra la ville la plus européenne des quatre.
Témoignage de cette diversité, l'auteur conclut ainsi : "sous une foi unique, ce pays conserve deux civilisations, la berbère rurale et l'hispanique urbaine", qu'aucune autorité ne viendra unifier"(en 1937, ndlr).
Pour cet ouvrage, dans un cuit lisse bordeaux, Edmond ne lésine pas sur l'illustration, tant au premier plat qu'au second. Au premier plat, outre le titre en lettres noires incrustées, une carte du Maroc permet de situer les villes concernées. Au second plat, une composition géométrique audacieuse permet à Edmond de montrer son savoir-faire en matière de mosaïque de cuir. Bravo !
Au delà de cet exercice de bravoure, Edmond finalise son ouvrage en utilisant ses savoir-faire habituels: dorure du titre à l'oeser, tranchefiles en bandes de cuir alternées, gardes-couleurs maison faites à la cuve, étui de protection...Un travail complètement personnel.
HORS THEME
Communiqué par Michèle
Elisabeth se fait les crocs sur... "le pain dur"...
... ouvrage de Paul Claudel (1948)
Technique mise en oeuvre: demi-cuir-papier avec nerfs









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