Contre vents et marées, quelques Lieurs s'obstinent à travailler, malgré les conditions toujours difficiles, notre bel atelier promis par la Mairie n'étant pas encore ouvert. Pas d'atelier, donc pas de presse, donc pas de machine, donc pas de dorure..., et surtout pas de camaraderie. Courage; il paraît que c'est pour bientôt.
Heureusement certains ont un peu de matériel personnel, qui leur a permis quelques réalisations...pas forcément de mauvaise qualité. Au lecteur d'en juger !
Edmond nous en fait voir de toutes les couleurs
C'est sous un décor mosaïqué qu'Edmond nous présente son ouvrage: "Les plaisirs et les jeux", de Georges Duhamel. Il s'agit du récit touchant d'un père qui, se remémorant l'enfance de ses fils, dits "le Cuib" et "le Tioup", constate ce que l'observation des enfants, dans leur nature spontanée, peut apporter de sagesse à l'adulte.L'ouvrage en lui-même est de valeur, puisqu'il porte en page de titre la signature manuscrite authentique de son célèbre auteur.
Sous un plein chagrin rouge, Edmond compose au recto un clown en mosaïque de cuir, au verso un ourson de peau beige, deux motifs iconiques de l'enfance. Comme toujours Edmond réalise lui même ses titres à l'or, technique dont on connaît la difficulté.
Les garde-couleurs, également faites par lui à la cuve, sont manifestement en progrès, et valorisent bien le travail.
Enfin, Edmond fabrique également ses propres tranchefiles, en lanières de cuir...
... peut-être un jour finira-t-il par fabriquer lui-même le papier !
Un challenge osé pour Camille; restaurer des tranches dorées
L'ouvrage ci-après, représenté après restauration, posait un double
challenge, dès lors qu'il devait être recousu.
D'abord, l'ouvrage méritait d'être ré-emboité directement dans sa reliure d'origine, sans fendre les mors; par ailleurs il eut été dommage de casser les tranches dorées, et perdre leur aspect de miroir original.
Pourtant l'ouvrage devait nécessairement être recousu. Sans entrer dans le détail de l'état initial, il fallait prévoir plus de 40 onglets, et dès lors l'objectif d'une couture qui "ne monte pas" au dos était inaccessible.
Par ailleurs, la
pratique montre qu'une couture classique préserve mal les tranches dorées, surtout en gouttière.
La méthode qui a été
appliquée
à de quoi surprendre. Elle s'inspire très directement de la méthode de
reliure "à fils noyés", maintes fois évoquée ici: voir les articles des 3/01/2020 (2ème article), 25/05/2020 (2ème), 18/07/2020 (2ème), 21/10/2020, et dont le principe est détaillé dans l'article de Camille du 27 Février 2018 "
Des livres brochés...aux dos arrondis" de son blog "restauration livres-camille.blogspot.fr". Rappelons en le principe de
base, qui s'applique à un livre formé de pages séparées. Le bloc
de pages est "griffé" d'un certain nombre de fentes sur le dos, puis mis
en forme sur un cylindre côté gouttière. Après arrondissure du dos (non
collé), des fils sont passés dans les fentes et enfin noyés dans une
couche de colle. La suite est classique: mousseline, cartons, etc... La
méthode a été explicitée également dans le numéro de Mai-Juin 2020 de la
revue "Arts et Métiers du Livre", pages 29 à 31.
La seule différence dans le cas présent est que les feuilles, à l'origine, ne sont pas libres. Qu'à celà ne tienne, il suffisait d'éclater les cahiers en feuilles séparées, éventuellement au coupe-papier, quoique généralement, il suffit de suffit de tirer dessus à partir du haut.
L'idée est osée, certes: plutôt que de reconstruire les feuillets avec des onglets, on les déconstruit tous !!!
Et pourtant ça marche. On comprendra facilement qu'il n'y a pas pratiquement pas d'augmentation du dos, puisqu'il n'y a ni onglets ni fils de fonds de cahiers. Par ailleurs, si le bloc de feuilles est soigneusement "tassé" sur une surface plane, côté tête, et sur un cylindre, côté gouttière, les tranches dorées sont correctement restituées.
La photo ci-contre montre le résultat de l'opération, côté tranche de tête. On voit que le glacis doré est assez bien restitué, et que le dos de l'ouvrage n'a pas "monté", ce qui a permis de le ré-emboîter dans sa reliure sans fendre les mors.
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