Cet article concerne la reliure de séries (plus ou moins longues) de livres : histoires à épisodes, collections de journaux, série d’histoire…, pour lesquels on souhaite une reliure coordonnée afin qu’ils fassent bonne figure dans une bibliothèque.
Ce contexte impose quelques contraintes, tant dans le choix de la technique de reliure que dans la réalisation pratique de la série. Ainsi il faudra de préférence opter pour une technique de reliure simple, facilement reproductible, avec peu (ou pas) de décor. Pour la réalisation, il faudra se placer en mode de travail "en série" afin que les volumes apparaissent comme assortis. Ainsi tous les cartons seront coupés en même temps, coutures, endossures enchaînées en séquence, etc…
Les premiers tomes de la série, à minima les deux premiers, joueront le rôle de prototypes ; le premier pour fixer la technique de reliure adoptée, le second pour arrêter un mode de travail « à la chaîne ». Le résultat se jugera plus au niveau de l’ensemble qu’au niveau d’un volume en particulier.
Agnès et Camille ont été confrontés à cette situation ; leur travail est présenté ci-après.
Agnès convoque le petit sorcier…
…Il s’agit d’Harry Potter, bien sûr, le petit sorcier qui au travers de chaque tome saura déjouer les sortilèges de son meilleur ennemi, le mage noir assassin de ses parents.Harry, orphelin élevé dans une famille de moldus* réalisera qu'il est sorcier lorsqu'il fréquentera la prestigieuse Ecole de Sorcellerie Poudlard. Dès lors il n’aura de cesse d’affronter celui dont on ne peut prononcer le nom**….
Le premier opus de la saga (qui en compte sept) sort en 1997. De nombreuses voix s´élèvent alors pour protéger la jeunesse des effets néfastes que l´histoire pourrait avoir sur les jeunes esprits. A plusieurs reprises et en différents endroits du monde, les livres de JK Rowling ont fait l’objet d´autodafés.
De nos jours, en France, Harry est étudié à l´ecole, fait l´objet de salons ; et le 30 août à la bibliothèque Sainte Geneviève, un examen spécial HP aura lieu.
Que dire sinon que les livres de JK Rowling ont donné le goût de la lecture à de nombreux jeunes et moins jeunes . Dans les pays anglo-saxons, lors des premières parutions, il existait même des couvrures spéciales adultes au côté de celles destinées aux plus jeunes.
Pour la reliure des 7 tomes «en série», Agnès est confrontée à plusieurs défis Le premier vient de ce que les originaux sont des livres brochés-collés, sans cahiers. Le problème peut se résoudre de manière classique en reconstituant des cahiers par couture, mais la méthode est fastidieuse pour une série longue. Agnès opte donc pour une méthode récemment proposée par Camille : la couture par fils noyés (voir Art et Métier du Livre, Mai-Juin 2020, p. 29 à 31). Le deuxième défi concerne le matériau de couvrure. Oublions le cuir (respect de l’animal oblige), Agnès devra tester plusieurs produits non animaux, in fine un matériau synthétique, pour trouver la solution.
Enfin le troisième défi concerne le décor. Comme dit dans l’introduction, le décor doit être simple et facile à reproduire. Agnès opte pour un simple lettrage « HP » dans le style du livre, en relief, reproduit pour chaque tome à l’identique par découpe Laser.
La photo ci-contre montre un des volumes de la série. Le montage ci-dessous présente l'ensemble de la réalisation.
La coordination des formats de reliure et de couvrure est parfaitement réussie.
Au total un travail de longue haleine, pour un résultat qu'Agnès pourra enfin livrer comme cadeau (promis de longue date) à sa fille. Les meilleurs présents sont ceux qui se font désirer.
* un moldus est celui qui n'est pas sorcier. Ca représente beaucoup de monde.
** Lord Voldemort, pour ne pas le nommer.
Camille nous fait des histoires…
…avec l’Histoire du Monde (pas moins) de Jean Duché, publié initialement dans une version brochée souple en 4 volumes dans les années 50.De l'avis du relieur, cette série présente, en tant qu'ouvrage d'histoire générale, un intérêt particulier. Loin des traités classiques de spécialistes, le texte de Jean Duché se lit comme un roman; « le roman de l’histoire ». Jean Duché n'est pas un historien, mais un écrivain. Dans ce long récit, l'auteur recherche la synthèse des évènements plus que leur énumération, ne rejette pas l’anecdote, fut-elle badine, et ne cache pas ses opinions personnelles…Un ouvrage à conseiller (ndlr).
Ces 4 volumes assez épais (800 à 1000 pages chacun), faisaient triste mine même après une première lecture (photo ci-contre); dos contre-courbés, coutures « cassées », couvertures froissées,... Camille choisit donc logiquement de les relier pour pouvoir les conserver dignement dans sa bibliothèque (et les lire et relire ultérieurement…).
Au vu de leur épaisseur, Camille choisit de les scinder en deux, ce qui, en ménageant un volume pour l’index, fera une série de 9 volumes.
La couture de chaque volume ne présente rien de particulier; il sera plus intéressant de considérer la couvrure. Le choix est clairement dicté par les principes évoqués en tête de l'article. Le demi-cuir s’impose pour donner un aspect « ouvrage de bibliothèque », sans une consommation effrénée de cuir (comme pour des reliures pleine peau). Le demi-cuir est généralement associé au papier (cf. le format classique demi-cuir-papier). Mais le papier est fragile, surtout pour un livre « d’usage » et nécessite des coins « cuir » pour le protéger. Camille lui préfère une formule inhabituelle "demi-cuir-toile". La seule difficulté consiste en la jonction du cuir et de la toile. Camille résous ce problème en ménageant une rainure verticale où les deux matériaux viennent se rencontrer. La jonction est cachée par une bande de papier de couleur qui amène, en plus, un modeste effet décoratif.
La photo ci-dessous montre l’ensemble de la réalisation, après adjonction des pièces de titre entre des nerfs, réalisées en dorure par le relieur.
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